La boule au ventre qui s’était installée au creux de son estomac depuis que son avion avait atterri à La Nouvelle-Orléans ne l’avait toujours pas quitté. Trois jours, trois jours qu’elle se baladait avec ce caillou dans les entrailles, trois jours qu’elle tournait en rond dans sa chambre d’hôtel. Elle avait de bonnes raisons de se rendre malade, Shin n’avait pas répondu à son e-mail. Elle n’en était pas étonnée, mais une part d’elle avait espéré qu’il ne lui aurait pas tenu rigueur de son choix. Que peut-être il aurait fini par comprendre la raison pour laquelle elle était sortie de sa vie. Mais c’était ridicule, si la jeune femme avait été à sa place, elle l’aurait détesté. Dans sa chambre d’hôtel qui s’ouvrait sur la rue la plus touristique de la ville, elle poussa un long soupir pour tenter de détendre ses muscles. Comment allait-elle pouvoir s’y prendre pour réparer ce qui avait été fait ? Était-ce seulement réparable ? Yepee se posta à ses pieds, fixant sur elle un regard plein de reproches. La jeune femme baissa les yeux sur sa montre, elle avait raté l’heure de la balade. Elle leva les yeux au ciel avant de sourire à sa boule de poil couleur pêche “J’ai compris Yepee, ne me culpabilise pas davantage.” La médecin prit le petit chien dans ses bras et huma son odeur canine “Tu crois que je devrais me rendre à ce café ? Je n’en sais trop rien… ça fait trois jours que cette idée me tourne en tête. Je prends mon poste en début de semaine prochaine, j’aurais beaucoup moins de temps pour m’y rendre.” Le chien semblait lui jeter un regard de reproche “Oui je sais, je ne peux pas sans arrêt tout reporter…”. Elle reposa son chien par terre et attrapa sa laisse, la petite boule à quatre pattes se mit à tournoyer sur elle-même. Au départ, son petit caniche avait détesté la laisse, en Afrique ou elle l’avait trouvé, il n’en avait jamais eu besoin, mais ici, elle ne voulait pas risquer qu’il passe sous une voiture. La petite bête resta tout de même docile alors qu’elle lui passait le harnais. Une fois dans la rue, la jeune femme se sentie mieux, l’air frais avait toujours eu un effet revigorant sur elle et son cerveau en ébullition se calma quelque peu. C’était décidé, elle se rendrait au café, il n’y avait après tout pas de mal à ça et si elle ne le faisait pas, elle le regretterait une fois de plus. Et puis, croiser Shin par hasard au détour d’une rue était bien la dernière chose qu’elle désirait. Une fois son devoir de maîtresse accomplie, la jeune femme laissa son chien dans la chambre d’hôtel, attrapa son sac à main et son téléphone et se mit en quête de l’adresse du lieu. Ce n’était pas si compliqué à trouver, ce n’était même pas si loin que ça de son hôtel à pied et elle pu profiter de l’ambiance de la rue tout au long de sa marche. Une fois devant la vitrine, ce ne fut pas la même chanson, la boule au creux de son ventre qui semblait s’être alléger depuis qu’elle était sortie pesait de nouveau très lourd sur son estomac. Ses mains tremblaient tellement qu’elle eut du mal à pousser la porte. Oh non, c’était écrit “Tirez”, voilà 30 secondes qu’elle poussait cette satanée porte comme une andouille. La jeune femme se pinça l’arrête du nez, pris une grande inspiration et cette fois tira la porte du café pour y pénétrer. L’endroit n’était pas vraiment ce qu’elle avait imaginé, c’était chaleureux et convivial, mais il manquait ce petit brin d’esprit festif qui avait été propre à Shin par le passé. Un petit coin lecture dans le fond du café ajoutait à cette ambiance ultra cosy, dénotant avec ce qu’elle connaissait de celui qui avait été son ami d’enfance. Après avoir hésité un instant, elle fila vers le comptoir, l’homme était de dos, sûrement en train de faire son travail. Sunny savait que c’était Shin, elle aurait reconnu son dos entre 1000. Pourtant l’eau avait coulé sous les ponts depuis la dernière fois qu’elle l’avait vu, mais à n’en pas douter c’était lui. La jeune médecin se racla doucement la gorge et articula d’une voix que le stress rendait chevrotante “Hyung…”, pendant deux secondes elle crut qu’elle allait fondre en larmes sous le coup de l’émotion et du stress, mais elle se reprit rapidement, ne voulant pas laisser paraître trop de trouble “Il serait possible d’avoir un café ? Et une discussion ? Je sais que ça ne fait pas partie du menu…”. La voilà qui essayait de faire de l’humour, elle se sentit ridicule à l’instant même où elle eut sorti ces mots. Mais trop tard, elle ne pouvait pas les reprendre, ni même les effacer, elle devrait assumer. Elle devrait tout assumer.